Un article publié dans la Traverse Métrique n°29 de octobre 2008
Après des étapes tessinoises et alémaniques, il était temps de revenir en terre romande pour redécouvrir la ligne qui emmène skieurs et touristes à deux pas du sommet des Rochers-de-Naye. Les dix kilomètres de lignes ont été jusqu’en 1992 administrés par trois entités séparées: Territet-Glion, Glion-Naye et Montreux-Glion. Par contre, l’exploitation, assurée par le MOB, est commune depuis longtemps.
Territet-Glion
Dans les années 1880, le développement touristique du Haut-Lac: Territet, Glion, Vernex et Clarens en particulier, est à l’origine de projets techniques pour acheminer les nombreux hôtes. Le funiculaire Territet-Glion est inauguré en 1883. Pour résister à une pente maximale de 57% (première mondiale), ce funiculaire à 4 files de rails est équipé d’une crémaillère Riggenbach, du nom de l’ingénieur concepteur du système. Ce dernier, pour montrer la fiabilité de son système, descend à deux reprises de Glion à Territet à bord d’une des voitures sans câble, soit uniquement à l’aide des freins.
Grâce à l’appui de “Pro Funiculaire” et de la Commune de Montreux, le tronçon est entièrement rénové en 1975. A cette occasion, le funiculaire est entièrement automatisé, encore une première mondiale.
Glion-Naye
Dans un premier temps, il avait été imaginé de rejoindre les Rochers-de-Naye au moyen de 3 sections de funiculaires à contrepoids d’eau. La difficulté d’alimentation en eau à l’approche du sommet condamne ce moyen de locomotion. C’est une ligne à crémaillère à lames système Abt qui est finalement réalisée entre 1890 et 1892. Ces deux années ne sont pas de trop pour vaincre la pente maximale de 22%, réaliser les tunnels et autres ouvrages d’art en altitude. Mentionnons encore que le bâtiment terminus a été réalisé en 17 semaines… alors qu’une partie des matériaux ont été acheminés à dos de mulet, la ligne n’étant encore pas terminée.
A l’ouverture, six locomotives à vapeur H2/3 construites par SLM assurent le trafic en poussant les voitures voyageurs. A cette époque il fallait un peu plus d’une heure pour relier Glion au terminus. Deux nouvelles locomotives à vapeur sont acquises en 1903 et 1909.
Montreux-Glion
Avec le développement de Montreux et le succès de la ligne Glion-Naye, il devenait évident qu’une liaison directe Montreux Gare-Glion était indispensable malgré l’opposition farouche de la Compagnie Territet-Glion.
Une concession est délivrée en 1905 et c’est le 7 avril 1909 qu’est inaugurée cette ligne. Une difficulté importante du projet fut l’integration à la gare de Montreux. Le Jura-simplon refusant de céder du terrain, les constructeurs achetèrent l’hôtel de la gare, le rasèrent, établirent la gare puis reconstruirent l’hôtel au-dessus.
Ce tronçon est électrifié dès son ouverture. 3 locomotives HGe 2/2 construites par SLM et MFO assurent le trafic.
Electrification totale
Il faudra attendre 1938 et l’électrification du tronçon Glion-Naye pour éviter le transfert de charge à Glion. A cette époque, la compagnie Glion-Naye fait l’acquisition de 5 automotrices ABhe 2/4 construites par SLM et BBC. L’ABhe 2/4 n° 205 du Montreux-Glion vient renforcer le parc en 1947. Les automotrices du même type 207 et 208 du Glion-Naye entrent en service respectivement en 1949 et 1966. Avec ce matériel, 40 minutes suffisent pour relier Glion au terminus.
Modernisation
Dans les années 80, l’infrastructure et le matériel roulant sont modernisés. Au niveau de la ligne, un système de block avec croisement automatique est mis en place. Il est géré à distance depuis la gare de Glion.
Pour le matériel roulant, le Glion-Naye collabore avec le chemin de fer du Monte Generoso et commande 3 automotrices doubles Bhe 4/8 à SLM et Siemens. S’il fallait jusqu’alors 1 agent pour transporter 70 voyageurs, un seul agent suffit pour transporter 164 voyageurs avec ce nouveau matériel. En 1992, un nouveau pas est franchi avec l’acquisition d’une quatrième rame et la mise en service de la commande multiple permettant à un seul agent de commander simultanément jusqu’à 3 rames soit 12 moteurs à des niveaux divers de contraintes compte-tenu de la longueur de l’ensemble (plus de 70 m) et des variations de rampes! En service régulier, ces rames sont exploitées en deux compositions de deux unités pour équilibrer la capacité de transport.
Retour temporaire à la vapeur
En 1992, et pour marquer son centenaire, le Montreux-Glion-Naye met en service une nouvelle locomotive à vapeur alimentée au fuel construite par SLM. Cette machine fait partie d’une commande groupée avec le Brienz-Rothorn-Bahn et les chemins de fer autrichiens de l’Etat. Ce véhicule est vendu au Brienz-Rothorn-Bahn fin 2004 où il circule depuis avec le numéro 16.
Pour les amateurs de la Belle Epoque, une composition rétro avec traction électrique circule par beau temps les week-ends de juillet et août.
Développement d’attractions
Pour augmenter la fréquentation de la ligne, diverses attractions ont été réalisées.
Le restaurant Plein-Roc est ouvert en 1985. Réalisé en collaboration avec un ouvrage de la Confédération, ce restaurant est accessible par une galerie partant de la gare des Rochers-de-Naye et offre une vue unique sur le Léman.
En 2002, le groupe GoldenPass crée “Marmotte Paradis”, un espace didactique et des enclos dédiés à ce rongeur. Certaines marmottes n’hésitent pas à s’approcher des grillages pour quelques brins d’herbe et font ainsi la joie des plus petits.
Depuis quelques années, la ligne participe au marché de Noël. Le terminus des Rochers-de-Naye se transforme pour l’occasion en maison du Père Noël.
Différentes promotions sont proposées au cours de l’année. Autant d’occasions à saisir pour une magnifique excursion.
Sources bibliographiques:
“Les Chemins de fer actuels et disparus de la Riviera Vaudoise”, Gaston Masson, 1971
“A l’assaut du roc de Naye”, Edgar Styger, Robert Widmer, Jean-Charles Kollros, 1985
“Un siècle à toute vapeur”, Edgar Styger, Jean-Charles Kollros, 1992
ABeh ou ABhe?
Difficile de trancher… au point que l’on trouve parfois les deux dénominations sur la même page d’un ouvrage. Cette définition trouvée sur Wikipédia est visiblement la plus appliquée dans la littérature récente:
“Les engins à crémaillère se distinguent à la lettre minuscule h placée juste après la lettre capitale, tandis que pour les engins mixtes adhérence/crémaillère, le h est placé à la fin du groupe. (Exemple : automotrice à crémaillère : Bhe 4/4 , automotrice mixte : Beh 4/4)”
Malgré l’inscription qu’ils portent sur leur carrosserie, la désignation des autorails du MTGN la plus appropriée est ABhe 4/4
Une réflexion sur « A la conquête des Rochers-de-Naye »
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