COVID…quais vides: La crise vue de l’intérieur

Un article publié dans la Traverse Métrique N° 99 de juin 2020

A l’invitation de l’Agent M, Monsieur Jérôme Gachet, responsable de la communication au MOB, nous raconte la crise du Coronavirus, dès ses prémices, vue de l’intérieur d’une compagnie ferroviaire particulièrement touchée de par son activité touristique et une importante clientèle asiatique.

Décembre 2019

En Suisse, le Coronavirus est encore une notion très abstraite. Une affaire chinoise qui, pense-t-on, restera confinée en Asie, comme tant d’autres virus avant lui. En Europe, personne ne s’en préoccupe vraiment. A ce moment, un des contacts que nous avons en Chine – le MOB travaille beaucoup sur ce marché – nous avertit du danger d’une pandémie mondiale. Au tout début de l’année 2020, Cédric Giller, notre chargé de sécurité achète des masques et des solutions hydro-alcooliques. 

Fin janvier 2020

Les premières annulations interviennent. Elles proviennent de groupes chinois qui, par peur du virus, renoncent à leur voyage en Europe. Comme chaque année, le MOB reçoit toutefois de nombreux ressortissants de ce pays dans le cadre du Nouvel-An Chinois (25 janvier). Ce seront les derniers à rejoindre la Suisse. Avec la décision du Gouvernement chinois d’annuler tous les voyages de groupes, nous perdons près de 5000 clients du jour au lendemain. En février, le chiffre d’affaires chute déjà de 20%. Et le pire est à venir… 

13 mars

Premier coup de tonnerre. Ce jour-là, le Conseil fédéral annonce la fermeture immédiate des écoles. Pour les transports publics, l’organisation se met en place: les CFF (ferroviaire) et Car Postal (bus) sont confirmés dans leur rôle de gestionnaires du système. Ce sont eux qui donnent le la pour l’ensemble des compagnies helvétiques. Les autorités exigent la fermeture les tronçons touristiques dans les plus brefs délais. Pour notre compagnie, MVR pour être précis, cela concerne le secteur Lally – Les Pléiades, Haut-de-Caux et les Rochers-de-Naye, ainsi que le funiculaire Les Avants-Sonloup. De toute manière, les trains se vident du jour au lendemain. Le virus est là, la peur gagne du terrain. Au MOB, une cellule de crise est constituée. Placée sous la responsabilité du chargé de sécurité, elle se compose du directeur, des autres membres de la Direction et du responsable communication. Elle se réunit tous les jours. Le chargé de sécurité élabore les premiers plans de pandémie. Objectif: assurer l’offre de transport tout en garantissant un maximum de sécurité à nos clients et à nos collaborateurs. Une période très chargée sur le plan de l’organisation. Et il faut faire vite. Avec le risque que le COVID-19 ne décime les troupes. 

Paradoxe: Encourager les voyageurs à rester chez eux! (Photo Bruno Maillard/Actalis)

16 mars

Deuxième coup de tonnerre. Cette fois, ce sont les commerces qui doivent fermer boutique. Si le confinement total n’est formellement pas exigé, le pays est bouclé. Les transports publics sont désormais considérés comme un mal nécessaire: ils ont pour mission de transporter les gens qui n’ont pas d’autres choix, le personnel soignant en priorité, mais ils sont déconseillés pour les autres. L’offre de transport est réduite à un train par heure environ sur nos lignes. Au vu de l’affluence, c’est largement suffisant. Au MOB, les touristes ont déserté nos lignes. Les pendulaires sont à peine plus nombreux. La chute de fréquentation est pire que prévue: près de 90%. Sur le plan interne, c’est le branle-bas de combat: il s’agit en premier lieu de protéger nos collaborateurs, en repérant les personnes à risques afin de les renvoyer à la maison. Le télé-travail est imposé à tous ceux qui le peuvent. Au siège de Montreux, seule une petite dizaine de personnes indispensables au bon fonctionnement de l’exploitation sont encore là. Heureusement, l’informatique est au point et permet le travail à distance. Dans les jours qui suivent, il y a mille problèmes à régler: quarantaine, isolement, réduction d’horaire de travail (RHT), etc. Les Ressources Humaines font face à une multitude de demandes. A cet effet, une Foire aux questions (FAQ) est créée, avec des mises à jour quasiment quotidiennes en français et en allemand sur Intranet. Il s’agit également d’informer les collaborateurs, mais aussi de les rassurer. Sur le plan externe, il faut rapidement mettre en places les mesures de protection pour les usagers.  

Fin mars

Tous les domaines sont touchés. Chez Matériel roulant, par exemple, on se concentre sur les missions vitales: l’entretien préventif des véhicules en exploitation – indispensable à la sécurité – le dépannage des trains, ainsi que les trains de secours (en cas d’accident, de déraillement, etc.). Ce qui a toujours été une conviction devient une certitude: nos employés jouent le jeu et restent fidèles au poste. Mais après la crise sanitaire, la crise économique point à l’horizon. Afin d’en atténuer les effets, Georges Oberson, directeur général, demande à chaque domaine de prévoir des diminutions de charge. 

Désertique (Photo Bruno Maillard/Actalis)

24 mars

Répondant à l’appel du Conseil fédéral, le MOB offre 11’600 masques au canton de Vaud. C’est que le milieu médical en manque cruellement. Nous gardons simplement le stock nécessaire pour nos besoins. Le geste est salué. Preuve du besoin, près d’une dizaine d’établissements (hôpitaux, EMS) nous appellent directement pour les obtenir. C’est cependant le canton qui en gère la distribution. A noter que quelques semaines plus tard, le canton nous proposera, en guise de remerciements, un nombre équivalent de masques. 

Mi-avril

Sur les quais, dans les trains, dans les bureaux, c’est le désert. Nous vivons une période historique, terriblement surréaliste. On n’aperçoit que quelques gilets oranges de nos collaborateurs qui, comme le personnel soignant, les vendeuses, les postiers, font tourner ce pays. A la mi-avril, on dirait bien que le pic de l’épidémie est atteint. Si la situation s’améliore sur le plan sanitaire, la crise économique se précise. Les entreprises de transport ne savent pas à quelles aides s’attendre. Cette situation est d’autant plus préoccupante pour le MOB, qui vit essentiellement du tourisme. Chaque domaine de l’entreprise est sous-pression. Pour l’infrastructure, par exemple, la question est de savoir s’il sera possible de réaliser tel ou tel chantier en respectant les règles de sécurité? Au final, une solution est trouvée pour remplacer le pont du Vieux-Chemin, à Glion. Les travaux se passent normalement. 

27 avril

La vie reprend peu à peu avec la réouverture partielle des commerces. Les entreprises de transport remettent peu à peu en route les cadences habituelles, tout en faisant respecter les règles de l’OFSP. La peur dissuade la population d’emprunter les transports publics. Si le confinement a été une période difficile, le déconfinement est plus délicat encore. Jusqu’où doit-on aller en termes de sécurité et de protection? Comment regagner la confiance des utilisateurs? Vont-ils respecter les directives? Le point le plus sensible est le port des masques, fortement recommandés si la distance sociale ne peut pas être respectée. A l’évidence, la population n’y adhère pas. 

11 mai

C’est l’heure de la reprise. A l’exception des tronçons touristiques, l’offre de transport est rétablie sur les lignes MOB et MVR. La grande majorité des collaborateurs retrouvent leur place de travail, tout en veillant à respecter les règles sanitaires. Au MOB, un premier bilan est dressé. Sur les 400 collaborateurs, seuls deux ont été positifs au Coronavirus. Dieu merci, ils sont aujourd’hui en forme. Quant au taux d’absentéisme, il est bien en-dessous de celui des compagnies comparables. Si une crise révèle l’état d’une compagnie, alors, le MOB se porte bien. 

29 mai

Le Conseil fédéral annonce la réouverture des lignes touristiques. Enfin! On change de paradigme: il est à nouveau possible de promouvoir nos offres, d’encourager les gens à prendre le train moyennant quelques précautions sanitaires. Sauf que le marché s’est réduit comme une peau de chagrin: les touristes ne reviendront pas de sitôt, surtout quand ils viennent de loin. Le Marketing se concentre sur les marchés qui nous entourent: Suisse, France, Allemagne… Chaque week-end, l’affluence progresse. Lentement, mais sûrement. L’heure de vérité interviendra le 6 juin. 

Reste les questions économiques

Combien d’argent va-t-on perdre en 2020? Quand les touristes vont-ils revenir? Quelles aides peut-on espérer? Des projets vont-ils prendre du retard en raison de cette crise? Nos partenaires ont-ils pu avancer dans les délais impartis? Et, last but not least, va-t-on assister à une deuxième vague de l’épidémie cet automne? Autant de questions auxquelles il est difficile de répondre aujourd’hui.

Un grand merci à Monsieur Gachet pour sa contribution… et à l’ensemble du personnel pour leur professionnalisme.

Composition drastiquement réduite de la période COVID

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